🇪🇺 EIH 30.06.25 - E. GAUDOT & E. BERNARD : Pologne, Brexit et Océans.
Votre rendez-vous actu européenne de la semaine.
A vos agendas ! le mercredi 24 septembre 2025, nous avons le plaisir de vous inviter au vernissage de la nouvelle formule d’Europe-info-hebdo: Euro-Scope. Nous vous accueillerons à la maison des ESSEC, 11 avenue de Friedland, à Paris 8e, pour un événement public de rentrée : “l’Europe face à son destin”.
Avec Lucile Schmid co-Fondatrice du think tank La Fabrique écologique, Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor et Shahin Vallée, chercheur en économie politique au Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik, nous y discuterons des dynamiques européennes sur le Green Deal, l’Etat de droit et la démocratie et l’environnement géostratégique.
Vous pourrez aussi y rencontrer toute l’équipe des contributeurs et contributrices qui a fait la diversité et la qualité de votre lettre d’information sur l’Europe.
Vous recevrez un lien d’enregistrement ultérieurement.
On vous espère nombreuses et nombreux.
Amitiés
EB&EG et toute l’équipe.
Bonne lecture!
Elise BERNARD,
Edouard GAUDOT,
Loïc de l’Epine.
Priorités État de droit, Géopolitique et GreenDeal de la présidence danoise 🇩🇰 du Conseil de l’UE.
LEG GODT
Le 30 juin 2025, la Pologne abandonne la présidence du Conseil sur un bilan que ses pairs considèrent comme réussi. En six mois, 37 textes législatifs ont été adoptés, illustrant une présidence jugée efficace et engagée. Sous la devise « Sécurité, Europe ! » (EIH 16/12/24), on n’y aura guère parlé d’Europe sociale, ni de culture et assez peu de démocratie ou d’État de droit. Encore moins d’environnement et de Green Deal, remis en cause sous la pression des dernières élections et du revirement de la droite européenne (PPE) à laquelle appartient le gouvernement polonais de Donald Tusk.
Cette présidence s’est distinguée par des avancées concrètes en matière de défense, d’élargissement et de résilience stratégique.
Varsovie a obtenu un accord historique de 150 milliards d’euros pour l’industrie de défense européenne (programme SAFE).
Elle a aussi renforcé la protection du flanc Est via l’initiative « Shield East ».
Et a piloté un 18e paquet de sanctions contre la Russie, notamment contre sa flotte fantôme.
Sur le plan énergétique, la présidence a accéléré la fin des importations russes d’ici 2027 et soutenu l’intégration énergétique des États baltes.
Elle a également facilité une réforme majeure du secteur pharmaceutique.
Et promu des initiatives sur la santé mentale des jeunes ainsi que la souveraineté numérique en santé.
Côté élargissement, la Pologne a ravivé les négociations avec l’Ukraine, la Moldavie et les Balkans.
Ceci, tout en maintenant une ligne dure face à la Russie et au Belarus.
La Pologne passe la main le 1er juillet 2025 au Danemark, l’un des trois Etats membres encore gouvernés par la gauche sociale-démocrate.
La Première ministre, Mette Frederiksen, a dévoilé les priorités de sa présidence :
elles remettront la question de l’environnement et du social à l’agenda européen,
par un pays où l’âge de la retraite passera à 70 ans en 2040).
Deux grands piliers, résume le SGAE :
une Europe verte et compétitive pour concilier transition énergétique et compétitivité économique ;
et bien sûr, « une Europe sûre », entre autonomie stratégique, défense et résilience démocratique.
Sur le plan économique, l’accent est mis sur « la simplification réglementaire » :
un marché unique plus efficace, ainsi que le soutien à la transition verte via :
les transports, l’énergie propre, l’agriculture durable et la recherche & innovation.
La présidence promeut aussi la souveraineté technologique numérique dans les télécommunications, la cybersécurité, l’IA et les infrastructures critiques.
Elle vise enfin à renforcer la défense européenne, sécuriser les infrastructures critiques.
Ceci s’accompagne de la promotion d’un « de-risking » économique plutôt qu’un découplage,
Ainsi que de garantir l’indépendance énergétique, particulièrement vis‑à‑vis de la Russie.
Sur la plupart de ces sujets, on notera une évolution notable de Copenhague.
Les positions longtemps en marge de l’intégration européenne sur les sujets centraux (défense, budget, monnaie) sont remises en cause par le nouveau contexte stratégique (EIH 9/6/22),
en particulier avec la pression trumpienne sur le Groenland (aussi EIH 13/1/25).
L’état de l’Etat de droit
Pologne, Elections, Democracy shield,
POLOCHON
La question de la crédibilité des processus électoraux et de leur rôle comme gage de démocratie semble de plus en plus délicate. Entre les reproches systématiques tenant au manque de transparence, aux ingérences étrangères - par le biais de cyberattaques, désinformation ou surreprésentation dans l’espace communicationnel - la polarisation politique - conduisant les partisans des différents camps remettent en question la légitimité des résultats électoraux s'ils ne sont pas en leur faveur - le tout, dans un contexte généralisé de manque de confiance dans les systèmes institutionnels et à l’égard des représentants qui les font fonctionner, on comprend que le citoyen soit découragé et saisisse de moins en moins son importance en tant qu’électeur. Après le douloureux épisode roumain, vient le tour de la Pologne.
Trois semaines après le scrutin présidentiel polonais ayant acté la défaite du candidat libéral pro-UE, Rafal Trzaskowski, face au candidat Karol Nawrocki, conservateur et nationaliste (V. EIH 9.06.25), le Premier ministre Donald Tusk conteste ce résultat et soupçonne une fraude massive.
Le 20 juin 2025, le porte-parole de la Cour suprême polonaise déclare que plus de 4000 protestations ont été déposées.
Il précise aussi que la Cour a commencé à recevoir certaines soumissions après la date limite et s'inquiète d’une telle ampleur.
L’objectif serait de toutes les étudier, selon euronews.
La présidente de la Cour suprême avance, ce 24 juin 2025, l’effarant résultat de 56000 plaintes déposées.
La Cour suprême, qui doit statuer avant le 2 juillet sur la validité du scrutin, se retrouve arbitre d'une crise politique sans précédent.
D. Tusk annonce l’ouverture d’une enquête sur la base de constatations d’anomalies statistiques dans les résultats du second tour.
Quinze commissions électorales présentent des « augmentations de plus de 200 % » des voix pour certains candidats par rapport au premier tour – des variations « statistiquement impossibles », explique le Point.
Face à lui, Andrzej Duda, le président sortant moque le caractère mauvais perdant de sin actuel Premier ministre.
Dans tous les cas, l’issue ne peut être réjouissante et c’est le principe même d’élection ainsi que le système institutionnel polonais qui seront remis en question.
Le résultat explicité par la Cour suprême maintient un Président, que certains considèreront comme tricheur, et un Premier ministre, que d’autres considéreront mauvais perdant.
Le Président de la République s’affichant déjà clairement opposé à l’agenda progressiste et européen du Premier ministre.
L’élection est annulée et une autre est organisée mais rien ne dit que de nouvelles mesures permettront d’empêcher les tricheries.
Pologne, Elections, Democracy shield,
EYES WIDE SHUT
Au-delà des manœuvres humaines habituelles à l’occasion d’élections, le fait que le PiS - parti vainqueur à l'élection présidentielle - aurait distribué à toutes ses commissions électorales un logiciel permettant de « vérifier les certificats de droit de vote hors du lieu de résidence », interpelle tout particulièrement.
Une autre enquête est donc ouverte à propos de cette technologie non officielle.
Selon le député Roman Giertych, cette application mobile pourrait permettre la collecte de données personnelles d'électeurs et de faciliter des manipulations lors du dépouillement.
L’ancien avocat est un “ennemi” de longue date du PiS.
L’élu soupçonne également une manipulation de l'algorithme TikTok qui aurait favorisé « cinq fois plus » les contenus d'extrême droite pendant la campagne.
Pour le ministre de l'Intérieur, Tomasz Siemoniak, ces éléments justifient une investigation de sécurité nationale.
L’ingérence russe que l’on pourrait qualifier de classique étant surveillée de près, on peut imaginer que de nouveaux stratagèmes ont été développés depuis.
Rien ne dit que nous ayons la capacité d’y faire face.
Nous sommes encore bien loin d’un bouclier démocratique digne de ce nom...
La question qui se pose maintenant est de savoir combien de scrutins en Europe doivent être remis en cause, dans des circonstances dramatiques, pour que la sauvegarde des processus électoraux devienne prioritaire ?
Europe Géopolitique
Accords, Brexit, Royaume-Uni,
NOT THE BREXIT I VOTED FOR
5 ans après la tragédie qui voyait les Britanniques quitter dans l'émotion le navire européen pour mener leur vie seuls "au grand large", et des années de relations tendues avec les gouvernements tories empêtrés dans les conséquences contradictoires de leur Brexit (EIH 21/12/21, EIH 25/6/23, EIH 15/7/24), les liens entre l’UE et le Royaume-Uni se sont enfin rétablis sur de nouvelles bases.
Une analyse du Guardian le rappelle avec des chiffres significatifs: depuis le référendum de 2016 et la sortie officielle de l’UE en 2020, l’économie britannique souffre toujours.
Les échanges de biens avec l’Union ont chuté de 18 % par rapport à 2019, tandis que les exportations de services ont mieux résisté.
Les investissements des entreprises sont bloqués, étant inférieurs jusqu’à 13 % par rapport à un scénario remain, entraînant une perte de production estimée à 5–6 % du PIB.
D’ailleurs, l’opinion publique se retourne contre le Brexit :
55 % des Britanniques regrettent le vote, et seulement 30 % pensent qu’il était une bonne décision.
Le PIB national est évalué à 5–6 % en-dessous de ce qu’il aurait dû être sans Brexit.
Lors du sommet Starmer‑UE, on estime que le « reset » des relations pourrait améliorer le PIB de 0,3 à 0,7 %.
Cela reste toutefois insuffisant pour combler l’écart à long terme.
La pression des tarifs trumpiens n’y est pas pour rien non plus, et les observateurs avisés comme Wolfgang Münchau mettent en garde contre l’idée que l'accord commercial USA–Royaume‑Uni signé en juin pourrait sauver le Royaume‑Uni.
Les États-Unis sont un concurrent géopolitique, et certainement pas un allié commercial.
Face aux tarifs américains élevés, l’Europe, plus dépendante du commerce extérieur, est plus vulnérable que les États-Unis.
W. Munchau plaide pour une coopération renforcée entre UE, Royaume-Uni et pays comme Canada afin de coordonner une politique macroéconomique stimulante et protéger leurs économies.
L’UE doit adopter une diplomatie indépendante, sans s’aligner sur Washington ou Pékin.
Le Royaume‑Uni, quant à lui, gagnerait à viser une autonomie stratégique plutôt qu’un simple rapprochement US.
Au mois de mai 2025 justement, un accord a été conclu entre Londres et Bruxelles juste avant le premier sommet post-Brexit à Lancaster House, relançant les relations bilatérales.
Une "nouvelle ère" saluée par le PM Keir Starmer, Ursula von der Leyen et Antonio Costa,
avec un accord qualifié de "gagnant-gagnant" visant à relancer leur relation et resserrer leurs liens en particulier dans la défense.
Le Premier ministre britannique cherche un rapprochement économique avec l’UE,
tout en excluant un retour dans le marché unique.
Un pacte de sécurité et de défense a été signé, ouvrant la voie à une éventuelle participation britannique au fonds européen SAFE.
Des désaccords persistent sur la mobilité des jeunes, la pêche et les normes sanitaires.
Le contexte politique intérieur britannique, notamment la pression de Reform UK, le parti de Nigel Farage artisan du Brexit, freine certaines avancées.
Les négociations continueront pour affiner cette « relation spéciale ».
Accords, Brexit, Royaume-Uni,
STARMERSHIP TROOPERS
Le rétablissement d’une relation fonctionnelle avec le Royaume-Uni est évidemment une bonne nouvelle pour la sécurité du continent. C’est d’ailleurs le fruit des évolutions géopolitiques depuis 2022, de l’Ukraine à Trump. Sous la pression des incertitudes stratégiques, le Royaume-Uni a progressivement repris place dans le concert européen.
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, souhaite améliorer l’accord post-Brexit qu’il juge « raté », sans réintégrer le marché unique ni l’union douanière.
Lors d’une visite à Belfast, il a affirmé vouloir regagner la confiance de l’UE en appliquant d’abord l’accord existant.
Son objectif est de réduire les barrières commerciales, notamment les contrôles sanitaires, tout en renforçant la coopération en matière de sécurité et de défense.
Il exclut le retour de la libre circulation mais prône une approche pragmatique pour corriger les failles du Brexit, améliorer les relations avec l’UE et défendre les intérêts économiques du Royaume-Uni.
L’invasion russe de l’Ukraine a rendu à l’une des premières puissances militaires du continent, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et puissance nucléaire un rôle stratégique dans la défense du continent.
Ceci a été consacré par l’initiative française de la Communauté Politique Européenne en 2022 (EIH 19/5/22).
Comme le souligne le FT, l’Europe - historiquement dépendante de la protection américaine - doit préparer un nouveau cadre de sécurité avec le Royaume-Uni post-Brexit, adapté à un monde plus dangereux.
Ce partenariat inédit viserait à remplacer le modèle de "free riding" par une coopération stratégique,
intégrant défense, renseignements et cyberdéfense.
L’accent est mis sur l’indispensable autonomie européenne, qui nécessite l’expertise britannique pour bâtir une défense véritablement commune.
L’article plaide pour un accord solide, dépassant les logiques antérieures, afin de renforcer durablement la sécurité du continent face aux menaces croissantes.
Green Deal
Sommet océans, Pollutions, Aquaculture,
BRICE DE NICE
Concilier pêche et écologie, un défi atteignable et « indispensable » estiment certains acteurs de la pêche. Face aux usines sur bateaux qui menacent la survie des écosystèmes et celle des pêcheurs, certains combats ont quelque chose de quichotesque.
Charles Braine, ancien pêcheur professionnel en Finistère dirige l’association “Bretagne Vivante”, et a lancé “Pleine mer” en 2018.
Cette ONG établit des passerelles entre pêcheurs artisanaux et écologistes :
campagnes spectaculaires contre les chalutiers industriels, promotion d’une carte des circuits courts pour valoriser la pêche locale.
Avec “Mer de liens”, il lance une initiative d’accompagnement à l’installation de jeunes pêcheurs durables, visant à lutter contre l’accaparement des quotas par l’industrie, favoriser une pêche éthique et préserver les écosystèmes marins.
Au même moment, s’ouvrait à Nice la conférence des Nations unies sur les océans, troisième du nom.
Si les sommets internationaux sur l’environnement se multiplient depuis des années, comme autant de tentatives de venir à bout du problème climatique, de biodiversité et des océans, force est de constater que leur utilité est largement remise en question.
Celle de Nice lundi 9 au vendredi 13 juin, n’a pas échappé à ces critiques et présente un bilan controversé.
L’un des principaux acquis de l’Unoc-3 réside dans l’annonce de la mise en œuvre du traité international pour la protection de la haute mer (BBNJ).
Avec déjà 51 ratifications et l’engagement de 14 pays supplémentaires d’ici septembre, ce traité entrera en vigueur début 2026.
Il permettra de réguler 64 % des océans situés hors de toute juridiction nationale.
Chaque année, les pays signataires se réuniront lors de COP pour décider de la création d’aires marines protégées en haute mer.
C’est une avancée juridique saluée par les ONG.
Quant aux grands fonds marins, qui suscitent des convoitises croissantes pour leurs ressources minières, la conférence n’a pas permis d’élargir sensiblement la coalition appelant à un moratoire sur leur exploitation (+5 pays, de 32 à 37).
Cette position s’oppose toutefois frontalement aux ambitions de pays comme les États-Unis, où Donald Trump a livré la haute mer à l’exploitation minière.
L'ONU et plusieurs chefs d’État, dont Lula, ont mis en garde contre une "course prédatrice", en appelant à une régulation ferme de cette industrie encore balbutiante.
Sommet océans, Pollutions, Aquaculture,
ONYSSEE
La surpêche n’est pas la seule menace existentielle sur nos océans.
La pollution plastique, omniprésente, a également fait l’objet d’une déclaration d’intention à Nice : 96 pays ont signé un appel en faveur d’un traité ambitieux visant à réduire notamment la production de plastiques primaires.
Cet engagement, bien que non contraignant, cherche à faire pression sur les pays producteurs opposés à toute limitation, à l’approche de négociations à Genève prévues en août 2025.
Enfin, le sommet de Nice a été l’occasion de l’émergence du combat contre la pollution sonore, sujet jusqu’ici peu médiatisé.
Portée notamment par le Panama et le Canada, cette initiative prévoit de modifier la conception des navires pour réduire le bruit, et d’intégrer cet objectif aux futures aires marines protégées.
En marge du sommet, plusieurs pays, dont la France, ont revu à la hausse leurs ambitions en matière d’aires marines protégées.
Emmanuel Macron s’est félicité d’une extension spectaculaire des zones protégées françaises, atteignant théoriquement 78 % de ses eaux.
Toutefois, seules 0,1 % des eaux territoriales sont réellement sous protection forte alors que ce chiffre devrait passer à 4% d’ici fin 2026.
Les ONG dénoncent un effet d’annonce, pointant que ces nouvelles zones ne remplissent pas les critères stricts de protection définis au niveau européen, et recoupent souvent des zones déjà interdites au chalutage.
En ce qui concerne l’UE, Ursula von der Leyen a dévoilé le premier Pacte européen pour l’Océan.
Ce plan, doté d’un budget d’un milliard, entend soutenir 50 projets axés sur la science, la conservation et la pêche durable.
Il vise à allier développement économique des communautés côtières et restauration écologique et ce en s’articulant autour de six axes principaux :
de la protection des écosystèmes marins à la diplomatie océanique.
L’UE ambitionne également de renforcer ses capacités de surveillance :
notamment en matière de pêche illégale, mais aussi d’observation des océans grâce aux jumeaux numériques, et au programme Copernicus,
tout en s’engageant à réduire de moitié la pollution plastique et à restaurer 20 % des écosystèmes marins européens d’ici 2030.